jeudi 8 mai 2008

Dürüm und der Kebab of Gore

Bohren und der Club of Gore a commencé sa carrière en explorant les recoins du heavy métal. Du genre méchant, avec des têtes de mort. Puis, ils ont débranché les guitares, baissé le tempo de 110 à 33, introduit des rythmiques jazz, et planté des solos de saxophone suaves et langoureux au milieu de leurs morceaux. De leur penchant originel pour le doom hardcore, les grands blonds de Gelsenkirchen (c’est dans la Ruhr) ont gardé l’essentiel pour la musique (la puissance), et des éléments du folklore pour le reste (décorum funeste, ambiance lugubre voire inquiétante).

Louvain, à quelques encablures de Bruxelles. Cité universitaire ouverte la nuit, architecture fonctionnelle et aérée. Présence d'échoppes turques à Dürüm et Kebabs ouvertes après le concert . Ici, les gens parlent néerlandais. Les vélos sont prioritaires et déboulent de partout, à tel point qu’on rougit presque d’utiliser la voiture. Ce mercredi soir au centre culturel de la fac, c’est opération apesanteur. Une cycliste du cru détourne son chemin pour escorter notre équipage francophone perdu dans le campus à bon port. A temps pour siroter un houblon local au bar en soufflant sur les dernières braises du Tape Tum, trio laptop-guitares-batterie qui prépare agréablement le terrain.

La suite est dans le noir. Complet, sauf quatre petites loupiotes posées au-dessus de chaque instrument : une batterie, un saxophone, une basse et un Fender Rhodes, drôle de piano aux réverbérations de xylophone. Quatre teutons chauves d’un mètre quatre-vingt-douze habillés de noir montent sur scène et règlent des détails techniques. « We are Bohren und der Club of gore, and we are busy », annonce le saxo, et bizarrement, on le croit au point d’esquisser un sourire. Le pince-sans-rire germain, d’une voix lente et articulant minutieusement, pointe l’un des membres du groupe celui qui est « très très connu en Allemagne, car il tourne régulièrement dans Derrick ».

Personne n’a l’outrecuidance de rester sur ses deux pattes. C’est un parterre avachi et prêt pour l’extrême onction qui voit sur lui s’abattre les premières notes du quatuor. Lourd comme l’enclume, l’attelage basse batterie ouvre des brèches béantes de silence, dans lesquelles le clavier et le sax s’engouffrent et voltigent, tout en retenue. Puissant comme un stéthoscope monté sur haut-parleur, lent comme un standard dixieland joué en 33Tours au lieu de 78, calme comme la nuit flamande, Bohren nous attire dans son spectre. Et nous nous laissons volontiers guider. Nous glissons accroupis, les yeux fermés. La sensation définitive d’assister à un concert de doom-grindcore au ralenti, sans distorsion. De communier dans un bain d’éther éclairé aux bougies.

Bohren & der Club of Gore, 8th November 2006, at Stuk, Luven (B).

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