mardi 29 avril 2008

Les flux d'Haubourdin en Technicolor

Les flux sont des micro-organismes vivants qui naissent dans les interstices du cerveau profitant d'un relâchement des synapses. Ce phénomène se produit même au repos, c'est aléatoire. Les flux sont des petites choses prometteuses qui vous trottent dans la tête et qui deviennent, par la grâce de la retranscription, de savoureuses déceptions.

La fille joue de la guitare et les gens se voient dans le miroir. Une blonde en tailleur rouge fouille son sac Barbara Gould. Un grand footing est organisé dans l’entreprise près du Château d’Eau. Une fille habite Haubourdin, un garçon joue au tennis en pantalon de jean. L’élue municipale a les clés de la maison de sa grand-mère en Bourgogne.

Moïse invoque le Puissant et ouvre la mer en deux à la télé.
C’est l’Exode, le Miracle, le Mythe fondateur, les Tables de Loi, l’escalade de la Montagne, la persécution de l'armée, la fuite Sacrée, la prophétie de la Terre Promise, la Révélation et enfin le doute, la trahison et l'orgie du Veau d'Or. La luxure et la vanité des mécréants. La Punition de quarante ans dans le désert en Technicolor sur la TNT. Deux générations de Punition.

lundi 28 avril 2008

Bento & Chalana vs. Max & Michel

Bento, le gardien portugais arrête tous les tirs de Michel,
et de Bernard,
et de "gigi",
ça veut pas rentrer, y fait chaud, c'est les vacances à la mer du Nord,
et une petite effervescence s'empare de la salle télé du camping,

un arrière inconnu marque un coup-franc que tout le monde croit tiré par Michel,
et Chalana qui déborde, attention Max! égalisation, sacrebleu,
et Bento qui repousse encore! et Néné qui rentre,

et c'est prolong,
et Jordao marque avec effet d'optique,
reviviscence sévillane, damnation, malédiction, pleur, rage, désespoir,

mais nan, égalisation du même arrière inconnu, ouf, c'est pas fini, le stade entre en fusion,
il reste une minute,


"jeannot" pousse le ballon un peu trop loin,
qu'est-ce qu'il fout?

mais non, il donne le coup de rein fatal dans la surface, garde le contrôle de la balle,

se retourne,
passe à Michel,

tout seul, Michel!!!

ça dure un millier d'années
,


but, klaxons, ivresse, bonheur.


samedi 26 avril 2008

Oberlins

Je checke les Oberlin sur Google Maps, il y en a plusieurs éparpillés aux Etats-Unis. Il y en a un près de Dallas, un autre dans le Kansas, un dans le Nord-Michigan, vers là où Jim Harrison part chasser le gibier sans jamais tirer, juste pour se faire un shoot nature - j’en ai chopé un autre encore en Pennsylvannie, à l’Ouest de Phila, au centre d’une conurbation qui n’a pas de nom, mais comme partout ailleurs sur ce continent expérimental, les routes sont droites, parallèles, perpendiculaires, géométriquement parfaites vues du ciel, comme dans cet autre Oberlin, quelque part en Lousiane.

Il est cinq heures du matin, je me suis réveillé il y a une demi-heure, j’avais chaud, faim, et je ne trouvais pas ma position pour dormir, je me suis levé et ai mélangé du lait et des céréales au chocolat. Hier était une journée triste à mourir. J’allume un joint. La nuit est noire, la nuit est tentante. On m’a ramené à minuit. J’avais envie de gerber. On a bu du vin chez une copine d'Ingrid, on a parlé de la peau des femmes qui se transforme en orange, des cunilingus, de leur séjour à Berlin, du son qu'on déteste entendre, des projets de reconversion avec stage décousu et des zones érogènes masculines. Les Beatles jouent Dear Prudence. The Sun is Up, The Sky is Blue.

Il fait nuit qui se refuse à moi, tiens, encore un Oberlin entre Cleveland et Lorain. Les vastes espaces sans nom entrecoupés de rues et de lotissements immobiliers se suivent et dessinent des magnifiques formes dans la terre informatiquement pixellisée à l’écran. Un déluge d’électricité au ralenti dans le casque – Glissade dans mes veines et mon corps tremble – le dernier Portishead est la meilleure surprise de ces dernières années en musique – je veux dire de la part d’un groupe dont on n’attendait plus rien. J’ai récupéré trois heures de boulot supplémentaires impayables en partant en début d'après-midi du bureau, j’ai croisé mon patron qui arrivait à la grille d’entrée, on a baissé nos vitres et on a fait un rapide débriefing de la journée chacun dans son véhicule, le magazine n’allait pas tarder à être livré.

Au vernissage où il fallait être, un combat de catch a commencé, j’ai dit à Télé Star - une chanteuse locale qui a eu droit à une page d'interview dans l'hebdomadaire télé le plus vendu du pays - que je l’avais vue dans le papier glacé chez ma grand-mère, en fait c’est le journaliste qui a déformé ses propos, elle n’a pas vraiment dit que les gens la reconnaissent dans la rue à tout bout-de-champ, c’est pas une star du RnB Bitchy from Miami à la Debbie Debb, non plus.

T’as pas vu Lauren elle demande, Lauren c’est une grande avec des cheveux roux, elle précise. Il y a des gens qui se bastonnent pour de faux avec des collants fluo sur un ring, il fait chaud, il y a des sérigraphies dans les escaliers, elles ont été réalisées pendant un atelier de culture conventionné, la municipalité et le parlement régional ont tout financé. Ingrid qui a participé à l’atelier de culture subventionnée parle avec Marie la folle dingue déguisée en vampire des Carpates. Trois hommes en costard portant des masques de catcheur mexicain se fraient un chemin dans la foule. Je croise le père de la fille de la sœur d’une copine de la fin du vingtième siècle, puis un Dj dans les escaliers, là où il y a les sérigraphies de culture subventionnée. John John appelle, il a rendez-vous avec amis à 21.30. Il me convie à ce rendez-vous où je n'irai pas. Les représentants de la municipalité sont présents en force sur le ring, des artistes font les guignols avec des gants, le public fait ahaha.

Une actrice brune aux lèvres pulpeuses est élue femme la plus sexy du monde, elle devance au classement d’autres actrices plus connues, toutes Américaines. J’emménage dans un nouvel appartement moins cher le premier de juillet. J’ai un mois de vacance ensuite. Ça tombe bien. La mère d'Ingrid loue une maison à la semaine près de Perpignan, on n'a qu'à y aller pour le bal du 14 juillet, la copine d'Ingrid acquiesce et nous invite chez elle. C'est un beaucoup plus bel appartement que celui dans lequel je vais emménager, c'est normal, elle a droit aux HLM pour fonctionnaires, alors que moi je n'ai droit qu'à un HLM tout court.