mercredi 7 janvier 2009

PONEYS CALABRAIS

Un camion rouge de pompiers déboule sur l’avenue et crée une brèche dans la manifestation qui traverse à cet instant précis le carrefour avec le boulevard sur lequel défilent des enseignants anti-libéraux. Citoyenne, la grappe de retardés respectueux du travail des hommes du feu s'écarte telle une mer en furie pour laisser passer le Messie. L'avant de la troupe (meneurs syndicalistes, étudiants de gauche et responsables politiques), parfaitement civilisée, n’a pris que vingt-sept mètres d’avance et attend patiemment le renfort venu de l'arrière pour faire converger les luttes. On dirait des fourmis affairées à se déplacer d’un trou à l’autre, séparés par le jet d’urine d’un enfant joueur, ou encore, des cyclistes du tour de France qui, stoppés par une barrière ferroviaire comblent en deux minutes leur retard sur le peloton qui a eu la faiblesse de ne pas en profiter pour accélérer et piéger un éventuel leader pris au piège par la SNCF. C’est sur ce genre d’action insolite qu'un Calabrais au visage buriné dénué de réputation flatteuse a réussi à mettre dix minutes à tous les favoris lors de la deuxième étape du Tour 1990, n'échouant qu'à quelques dizaines de seconde de l’exploit improbable de remporter la course après avoir thésaurisé son avance de haute lutte durant trois semaines d'une course échevelée à travers Monts et Veaux, Alpes et Pyrénées.

Les poneys dépriment l’hiver est-il écrit sur la page trois de la gazette du métropolitain posée sur le comptoir du café. « Oh, tavernier ! », hurle un duo de clochards Pelforth au fond de la salle. Un leader syndical tient un bâton de bois autour duquel est enroulé un bout de tissu rouge – et noir un peu aussi. Leader syndical mal rasé prend les commandes de ses camarades, trois cafés, trois Jupiler.

Tout le monde est servi, Leader mal rasé sort un papier de la poche et lit à voix haute. « En supprimant certaines heures de décharge (heure de première chaire, décharges spécifiques...), en flexibilisant au maximum les collègues tant du point de vue géographique (services sur trois communes) qu’au niveau de la discipline enseignée (possibilité d’être affecté sur d’autres disciplines que celles pour lesquelles ils sont formés), le Ministère espère récupérer 3600 postes. Ces mesures aggraveront la charge de travail des enseignants en temps de travail ; elles transforment les enseignants en variable d’ajustement des besoins, « calculés » selon une logique de rentabilité qui est antagonique avec les objectifs pédagogiques auxquels nous sommes attachés ». Les autres applaudissent.