L’alarme se déclenche cinq secondes après le début du discours du premier magistrat qui lit avec emphase le dos tourné aux vingt-cinq personnes entassées dans le minuscule hall du lycée Salvator-Allende non climatisé.
L’adjointe à l’environnement ne cache pas son agacement et l’exprime en ne faisant pas l’effort de dissimuler des bruits de bouche qui mange des petits gâteaux et en remuant sa tête dans tous les sens comme pour dire « olala, c’est qui le responsable de l’alarme ? ».
Le potentat local fait face au portrait du démocrate chilien, l’implorant dans un dialecte de bravoure et d’insoumission, les bras levés et la voix couverte par la sonnerie martiale qui s’arrête en fin cinq secondes pile à la fin d’un speech qui se termine ainsi, « puissent les prolétaires de tous les pays s’unir contre l’impérialisme brutal des Nations dominantes et contribuer à l’éveil d’une Nation nouvelle, respectueuse des principes démocratiques et fraternels ».
Le maire se retourne et on l’applaudit. Une gerbe est déposée. Le type de la sono lance un disque de musique folklorique toltèque - c’est un enregistrement du best-of des vedettes américaines des shows de Manu Chao.
La musique s’arrête et un type à barbichette prend la parole pour lire un texte de celui à qui on rend hommage, le jour du trentième anniversaire du coup d’Etat orchestré par les forces impérialistes dominantes.
En arrière-fond résonne une autre bande, une voix atonale, monocorde, un enregistrement grésillant, un discours du chef d’Etat démocrate d’époque. C’est peut-être la version originale de celui que le type – une sorte de Charles Berling en prof de lettres en lycée technique - vient de lire.
Dans la foulée, la musique reprend, et on est tous là, serrés comme des manifestants contre le chômage et la guerre place de la Nation, à l’écouter religieusement – mais laïquement.
L’alarme redémarre, c’est pas franchement la nouba du siècle. La musique continue. Elle est parfaite, on dirait du Ricky Martin vintage, tout le monde fait comme pour se prosterner devant le portrait du héros martyr accroché sur le mur en contre-plaqué.
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