samedi 7 mars 2009

HALALI POUR UN BERRICHON, TOME I

C’est alors que sont réunis pour un « Cinq à Sept » mondain dans la salle généralement dévolue aux réunions du Club Loisirs : Ruth Elkrieff, Noël Noël, Pat Bénabar, Roger Giquel, Michel Jonasz, Catherine Benguigui, Gérard Rué, Ibrahim Ba, Daniel Johnston, Jay Jay Johansson, Anny Duperey, Thierry Vigneron et d’autres sympathisants non répertoriés du Comité d’insalubrité Hygiénique des Téléphiles Repentis – dont, me semble-t-il, Françoise Breuzt.

« Le débat sur les nouveaux réacs ne m’intéresse pas », dit Ibrahim Ba, l'ange déchu du football mondial en sirotant sa bière Porter 41.
« J'ai mis ma vie au service de l’écriture », sort Anny Duperey, déjà passée par là, elle sait de quoi elle parle. « Je pense que mon lecteur de disquette est foutu », lance Ruth, dépitée. Le houblon anéantissait les rêves de Thierry Vigneron. Le perchiste de Cassis écumait les pubs de la région Paca depuis deux ans. « Et dire que j'ai sauté 5.70 à Moscou », se disait-il apeuré par les lumières du décor flashy du Green Palace Bistro du Puy-en-Velay. Ça et là, dans le brouhaha, se débitaient les desiderata d’Ibrahim Ba, ex-international tombé amoureux de la Lombardie. « Je veux jouer en équipe A, titulaire sur le côté droit, à côté de Rui Costa. » Daniel Johnston, au diapason, psalmodiait dans un français expérimental des élucubrations mitigées sur les différentes sortes de fenêtres existantes dans le comté.

Philippe aimait se mêler à la jet-set du Puy. Depuis sa mutation au service Export d’une firme italienne basée en banlieue, il se rend chaque soir au Palace, pour décompresser. Curieux de nature, il se passionnait depuis très récemment pour la télé. Trouvez-vous choquant, par les temps qui courent, qu’un cadre commercial découvre sur le tard le petit écran ? Si vous connaissiez Philippe, vous saisiriez aisément qu’un microcosme devenu le miroir cynique de la société acide n’était pas fait pour déplaire, a priori, à Philippe. La télé renouvelait sa vie. Téléphile néophyte parmi les repentis au milieu de toutes ces stars privées de télé, il voyait se dessiner dans son esprit les contours de son nouveau grand projet : monter une comédie musicale dans l’air du temps. Il imaginait des stars méconnues ou oubliées chantant les chansons de Françoise Breutz tout en éructant.

Accoudé à l’autre bout du comptoir, Ibou Ba continuait de se lamenter. Il se perdait dans les yeux bleus glacés d’Anny Duperey qui tentait de le consoler. Daniel Jonhston avait été malencontreusement entraîné par Jay Jay Johanson et Bobby Ewing qui lui firent gouter de la super herbe dans l’arrière cuisine. Ils sortirent tester la qualité de l’air, puisque concernant l’eau minérale des volcans d’ici, leur opinion était faite. Dans son veston foncé en velours, ses grosses bottines bleues, il était libre Daniel.

Derrière la Clio de Jay Jay garée de traviole, pointaient le bout des nez de Françoise et Charlotte, réunies pour une nuit dans les rues du Puy. Daniel faisait des petits sauts de cabri sur le trottoir et les gens le regardaient comme si c’était un demeuré pendant que Jay prit la tête du wagon. A ses hanches se tenaient, dans l’ordre, Françoise, déchaînée, Thierry Vigneron, sorti de sa léthargie, Jean-Marc Silvestre, Bobby Ewing, et Charlotte, qui fermait la marche, défoncée à l’absinthe 70 degrés. La farandole des joyeux fêtards s'étendait tout au long des entrées de boites de nuits du boulevard, Daniel courait comme un dératé à côté de la ribambelle de pochetrons, pendant que Philippe revenait sur le peloton par derrière pour saluer Charlotte. Il n’avait pas couru aussi vite depuis le cross du collège derrière l’irrattrapable kenyan.

A l’intérieur, personne ne voulut faire de farandole, alors, Ibrahim Ba se rapprocha du disc-jokey pour lui demander, si, dans le souci de lui remonter le moral, il pourrait pas passer « Liberté » de Gilbert Montagné, du Boney M, ou, à la limite, « la Danse des Canards », que lui fit découvrir Christophe Dugarry à l’époque des Girondins. Anny Duperey tenta de s’imposer fermement. Passe plutôt un tube gitan des Gipsy Kings, ordonnait la femme fatale au passeur de disques dépassé. Elle agissait auprès d’Ibrahim telle une épouse consciencieuse, limite femme-mère. « Si elle devient trop envahissante, je vais succomber au syndrome de la femme castratrice et je dois sortir de cette spirale négative, je dois reprendre le dessus », se dit intérieurement Ibou.

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